Prévention en mouvement : De l’ombre à la lumière, de la sensibilisation à l’action, un enjeu collectif gagnant
pour les systèmes de santé.
Un article proposé par Evelyne KRATZ, Stratégie et Innovation en Santé
La prévention en santé constitue un pilier essentiel pour améliorer la qualité de vie, réduire la charge des maladies et maîtriser les coûts des systèmes de soins.
En France, comme dans de nombreux pays, cette démarche vise à agir en amont pour limiter l’apparition ou la progression des maladies, en s’appuyant sur des stratégies éducatives,
réglementaires et communautaires. Cependant, malgré une volonté affirmée, la mise en œuvre effective de la prévention rencontre encore de nombreux défis, comme le soulignait déjà le rapport de la Cour des Comptes publié en 2021(1).
Un bilan contrasté en France
Si la France dispose d’un cadre réglementaire solide, la mise en œuvre concrète en matière de prévention reste inégale et parfois fragmentée. La prévention primaire, visant à réduire les facteurs de risque (tabac, alcool, mauvaise alimentation, sédentarité), est encore insuffisamment priorisée dans les politiques publiques par rapport aux soins curatifs.
Par ailleurs, la coordination entre les différents acteurs (État, collectivités, établissements de santé, associations, etc.) demeure perfectible, ce qui limite l’impact des campagnes
de sensibilisation et des programmes de dépistage.
Par ailleurs il apparaît nécessaire d’accroître l’évaluation des actions de prévention pour mieux orienter les investissements qui demeurent limités par rapport à ceux dans le curatif. La prévention secondaire, par le biais du dépistage précoce de maladies comme le cancer ou le diabète, est mieux structurée, mais elle doit encore gagner en efficacité et en accessibilité au niveau des territoires et des populations. Enfin, la prévention tertiaire, qui concerne la réadaptation et la gestion des maladies chroniques, doit être renforcée pour réduire les hospitalisations évitables.
Le rapport de la Cour des Comptes publié précédemment offre une évaluation critique et constructive de la politique de prévention en santé en France, soulignant à la fois ses avancées et ses lacunes. Levier essentiel pour réduire la morbidité, améliorer la qualité de vie et maîtriser les coûts du système de santé, la prévention doit aujourd’hui faire face à des défis majeurs, notamment en termes d’organisation, de financement et d’innovation.
Le développement de la prévention en santé, définie par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) comme l’ensemble des mesures « visant à éviter ou réduire le nombre et la gravité des maladies, des accidents et des handicaps », constitue une réponse pour favoriser la maîtrise de la progression des dépenses de santé.
Une étude (2) réalisée en 2023 par le cabinet Asterès, dirigé par Nicolas Bouzou, avec les Acteurs de la French Care, association présidée par le Pr Antoine Tesnière montre que nous mettre au niveau des meilleurs pays de l'OCDE (Organisation de coopération et de développement économique) en matière de prévention sur quinze pathologies ou comportements permettrait à la France d'économiser 15 milliards d'euros chaque année. Les Français y gagneraient eux presque deux ans d'espérance de vie en bonne santé. Les campagnes de prévention liées n'en coûtant pas le dixième.
L’exploitation des données ouvre une nouvelle ère pour la prévention en santé et transforme le rôle des acteurs concernés.
Dans sa note d’Avril 2025(3) pour maîtriser la progression des dépenses de l’Assurance maladie dans les prochaines années, la Cour des Comptes appelle à une véritable politique de prévention, en recommandant de structurer et de renforcer cette politique, dont le budget n’a augmenté que de 2,1 % par an depuis 2013, soit une baisse en termes réels en raison de l’inflation. La note de synthèse plaide pour une amélioration de la prévention chez les jeunes, de la détection des maladies chroniques et une meilleure anticipation de la perte d’autonomie des personnes âgées.
Par ailleurs, La commission des affaires sociales, qui devrait rendre ses conclusions à l’été 2025, a décidé d’engager une mission d’information sur les politiques de prévention en santé et aux conditions de leur pilotage dans un souci d’efficience et de meilleur accès. Avec le développement croissant du numérique en santé, accroitre l’efficacité des actions préventives, en intégrant davantage le numérique comme un outil stratégique paraît pertinent.
Une approche européenne et mondiale en mutation
Afin d’accompagner les États Membres dans leurs efforts à améliorer la santé des citoyens et à assurer la pérennité des systèmes de santé, ce qui s’inscrit dans la stratégie Europe 2020, l’Union européenne (UE) adopte une stratégie globale pour renforcer la prévention en santé, en s’appuyant sur des politiques communes, la coopération transfrontalière, permettant de partager les bonnes pratiques et d’harmoniser les politiques, et la mise en œuvre de plans nationaux harmonisés. La Stratégie de l’UE pour la santé, met l’accent sur la prévention des maladies non transmissibles (MNT) - dont les plus fréquentes sont les maladies cardiovasculaires, les cancers, les maladies respiratoires chroniques et le diabète -, la lutte contre le tabac, l’alcool, la mauvaise alimentation, et la promotion de modes de vie sains.
Par ailleurs, le programme de l’UE incite les Etats membres à intégrer des innovations dans les soins de santé, par exemple en matière de santé en ligne, et à partager leur
expertise dans ce domaine. Il soutient en outre le partenariat européen d'innovation pour un vieillissement actif et en bonne santé(4).
Un exemple notable est la Stratégie européenne pour la lutte contre le cancer, qui vise à renforcer la prévention, notamment par la réduction du tabagisme, la vaccination contre le papillomavirus, et la promotion du dépistage organisé (5) . La directive sur le tabac, notamment impose des mesures strictes, telles que l’interdiction de la publicité, l’obligation d’afficher des avertissements sanitaires, et la limitation de la vente aux mineurs.
Au niveau national, plusieurs pays européens ont adopté des plans spécifiques. La Suède – un exemple à suivre par les autres pays européens - a mis en place une politique
ambitieuse de réduction du tabac, avec des campagnes de sensibilisation et une meilleure accessibilité, acceptabilité et abordabilité des alternatives plus sûres à la nicotine (6).
La France a, quant à elle, renforcé ses campagnes anti-tabac, augmenter les tarifs et déployé des programmes de dépistage des cancers.
L’approche européenne privilégie par ailleurs la coopération en matière de surveillance épidémiologique, d’échange de bonnes pratiques et de financement de projets innovants
via des programmes comme Horizon Europe - programme-cadre de l'Union européenne pour la recherche et l'innovation pour la période 2021 à 2027- (7). La législation européenne, notamment la directive sur la sécurité sanitaire des aliments ou la réglementation sur les produits du tabac, encadre également la prévention à l’échelle communautaire.
Dans le contexte mondial, la prévention en santé doit faire face à des enjeux majeurs liés aux inégalités sociales, à la mondialisation des risques (épidémies, changements climatiques) et à la nécessité d’adapter les stratégies aux contextes nationaux/locaux.
Au niveau mondial, la World Health Organization (OMS) joue un rôle central dans la coordination des efforts de prévention. La Stratégie mondiale pour la prévention et le contrôle des maladies non transmissibles vise à réduire la mortalité prématurée liée à ces maladies, en promouvant des politiques de réduction des facteurs de risque. Plusieurs exemples illustrent cette démarche. La Campagne mondiale contre le tabac de l’OMS, avec ses initiatives pour la taxation, la réglementation des publicités et la sensibilisation, a permis de réduire la consommation dans plusieurs pays en développement. La Stratégie mondiale pour l’alimentation, l’activité physique et la santé mentale encourage la mise en place de politiques publiques pour promouvoir des modes de vie sains. Des plans nationaux existent par ailleurs dans plusieurs pays.
Le Canada, par exemple, a développé une approche intégrée, combinant prévention communautaire, sensibilisation et utilisation du numérique pour toucher efficacement ses populations. La stratégie canadienne insiste sur la prévention des maladies chroniques, la promotion de modes de vie sains et la réduction des inégalités sociales en matière de santé (8,9).
Le numérique, un levier encore sous-exploité dans la prévention
Le numérique en santé représente un potentiel considérable pour améliorer la prévention en santé. Les outils/solutions numériques, tel /les que les applications mobiles, les objets connectés, la télémédecine et les plateformes de données, offrent ainsi des opportunités inédites pour promouvoir, sensibiliser, éduquer, et suivre les comportements à risque.
A titre d’exemple :
- La télésurveillance permet d'accompagner les patients de façon continue, d'identifier rapidement les premiers signes de complications et d'intervenir précocement.
Cela contribue à réduire le risque de rechute et à améliorer leur qualité de vie ;
- Grâce à des outils comme Mon Espace Santé ou encore les bilans de prévention, il est désormais possible de personnaliser les recommandations de santé en tenant compte de
l'historique médical, du mode de vie et des préférences de chacun. Cette approche individualisée permet de mieux cibler les actions préventives et d'impliquer activement les patients dans la gestion de leur santé.
Le numérique, qui n’est pas une fin en soi, propose des outils afin d’analyser en temps réel les données de santé, anticiper les épidémies ou personnaliser les recommandations. La collecte massive de données permet d’identifier plus rapidement les facteurs de risque et d’adapter les politiques publiques en conséquence. Par exemple, le Canada a lancé des programmes de prévention basés sur l’intelligence artificielle pour cibler efficacement ses campagnes de sensibilisation. L’intelligence artificielle et l’intelligence artificielle générative constituent une véritable révolution technologique ouvrant de nouvelles perspectives dans la prévention, le dépistage, mais également le diagnostic, le traitement, la surveillance des patients.
Parallèlement, ces avancées ne sont pas s’en soulever des enjeux éthiques liés à la protection des données personnelles, à l’équité d’accès aux technologies et à la nécessité
de garantir la qualité et la fiabilité des outils numériques. Permettre l’intégration du numérique dans la prévention, en développant des solutions innovantes et en favorisant leur adoption à grande échelle nécessite également de renforcer la coordination entre acteurs publics et privés, d’assurer une meilleure évaluation des outils numériques, de bien mesurer leurs impacts sur la société et l’environnement.
En France, afin de répondre aux enjeux de transformation du système de santé, il est à noter également l’importance d’initiatives comme :
- Le programme d’accompagnement de startups dans la prévention animé par Bpifrance et PariSanté Campus (10) dont la première promotion vient de s’achever avec pour objectif
de « faire émerger une filière française en prévention numérique adressant à la fois des enjeux de développement économique, de transformation de notre système de santé et de souveraineté dans l’utilisation des données de santé » ;
- La stratégie d'innovation "prévention en santé"(11) confiée à l’Agence de l’Innovation en Santé dans le cadre du volet santé de France 2030, ayant pour « ambition de promouvoir
et soutenir le développement de dispositifs innovants "dont l'efficacité est démontrée", intégrant des produits et technologies de santé issus de collaborations entre les secteurs de la santé, de la recherche et des industriels, au service de la prévention et des objectifs de santé publique »
La prévention en santé , « better than cure » et le numérique en santé se renforcent mutuellement. En investissant dans la prévention, en l’intégrant dans les pratiques et en soutenant l’ensemble des parties prenantes, il est possible de bâtir un avenir où la santé devient une priorité commune. Un avenir où le numérique joue un rôle clé en tant qu'outil de progrès et d'efficacité pour améliorer le système de santé dans son ensemble.
En conclusion
La prévention en santé, enjeu stratégique pour améliorer la santé des populations et maîtriser les coûts des systèmes de soins, était auparavant freinée par un obstacle majeur : l’absence de mesure fiable. Les pays doivent accélérer leur transformation en intégrant pleinement le numérique dans leur politique de prévention en santé. La réussite de cette transition repose sur une gouvernance renforcée, un financement accru, une évaluation rigoureuse et un soutien à l’innovation.
La France doit renforcer ses politiques en intégrant davantage la prévention primaire et en améliorant la coordination entre acteurs, tout en tirant parti des innovations numériques notamment via des dispositifs comme le programme de PariSanté Campus et de BpiFrance ou encore la stratégie de l’Agence de l’Innovation en Santé. En adoptant ces recommandations, la France pourrait non seulement améliorer l’efficacité de ses actions préventives, mais aussi s’inscrire dans une dynamique européenne et mondiale d’innovation et de progrès en santé publique. Il est aujourd’hui possible de prouver l’efficacité des actions préventives en s’appuyant sur des outils technologiques et un cadre réglementaire de confiance.
Il appartient désormais à l’ensemble des parties prenantes impliquées de faire de la prévention un pilier mesurable, finançable et stratégique du système de santé français.
À l’échelle européenne et mondiale, la coopération et l’adaptation aux contextes locaux restent essentielles pour relever les défis liés aux inégalités et aux risques émergents.
Le numérique apparaît comme un levier puissant pour rendre la prévention plus efficace, personnalisée et accessible, à condition toutefois de respecter les enjeux éthiques et de
garantir une inclusion numérique équitable.
Bibliographie
- 1 https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/2021-12/20211201-politique-prevention-en-sante.pdf
- 2 https://asteres.fr/site/wp-content/uploads/2024/01/ASTERES-FRENCH-CARE- Prevention-18092023-1.pdf
- 3 https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/2025-04/20250414-Lobjectif-national-de-depenses-dassurance-maladie-Ondam.pdf
- 4 https://eur-lex.europa.eu/FR/legal-content/summary/multi-annual-programme-of-action-for-health-2014-2020-proposal.html
- 5 https://www.europarl.europa.eu/doceo/document/TA-9-2022-0038_FR.html
- 6 https://www.businesswire.com/news/home/20241105084341/fr
- 7 https://www.horizon-europe.gouv.fr/horizon-europe-c-est-quoi-24104
- 8 https://www.canada.ca/fr/sante-publique/services/maladies-chroniques/initiatives-strategies-systemes-programmes-maladies-chroniques.html
- 9 https://observatoiredesinegalites.com/strategie-de-prevention-equitable-et-efficace/
- 10 https://presse.bpifrance.fr/e-sante-parisante-campus-bpifrance-et-la-banque-des-territoires-accelerent-linnovation-dans-la-prevention-en-sante/
- 11 https://www.ticpharma.com/story?ID=2674
ZOOM SUR ...
D’abord le réalisateur…
Bertrand Hagenmüller est réalisateur de films documentaires, sociologue, formateur et musicien. Il accompagne depuis plus de 10 ans les soignants en unité Alzheimer.
La trilogie…
Le film « Les esprits libres » est le dernier volet d’une trilogie dédiée à l’accompagnement des patients atteints de la maladie d’Alzheimer à travers le quotidien des soignants.
La volonté du réalisateur dès le premier volet « prendre soin » est de montrer l’intelligence et l’humanité au quotidien « ce qui est fait et non ce qui n’est pas fait » en suivant 4 soignants durant un an.
Le second film de cette trilogie « Première ligne » est filmé pendant la crise du COVID, avec un procédé différent puisque les soignants se sont filmés eux-mêmes. Ce second film montre les besoins d’imagination, d’inventivité et d’humanité pour faire face aux difficultés pour continuer de prendre soin durant cette période.
Finalement le dernier film vient conclure ces expériences par une fenêtre ouverte sur l’espoir en proposant une nouvelle forme de soin : un véritable vivre ensemble entre patients, soignants, aidants.
Le projet concrètement …
Tenter l’expérience de réunir des patients Alzheimer, des soignants et leur famille, et des artistes dans un même lieu pendant 15 jours pour préparer ensemble un spectacle.
L’originalité de ce projet en fait tout le succès : une résidence non médicalisée où les patients retrouvent la vie normale avec un sens à leurs actes, une place dans la société, des moments de vie partagée comme la cuisine, les repas, les danses, mais aussi les « bonne nuit ! ».
Un projet commun avec le spectacle, l’accompagnement de musiciens, d’une art thérapeute, d’une poétesse, mais aussi de la famille des soignants stimulent les patients cognitivement et émotionnellement.
Soignants et résidents partagent une proximité affective qui favorisent des relations authentiques. Le plaisir est partagé par les soignants : ce n’est pas toujours facile mais il y a une véritable satisfaction et beaucoup d’enthousiasme. Le réalisateur prend le temps d’ailleurs de nous partager les moments de discussions informelles le soir de l’équipe : leur ressenti spontané et naturel.
La volonté du réalisateur
Montrer une autre forme de soin bénéfique aux patients et aux soignants : vivre ensemble autrement.
« Il est indispensable de se battre pour avoir suffisamment d’argent pour un soin décent. Mais si l’argent est une condition nécessaire elle n’est pas suffisante. Il nous faut retrouver de l’imagination et de l’audace pour faire vivre ensemble un autre modèle de solidarité »
Retour d’expérience
« Nous savions que nous avions tous les ingrédients pour que cela fonctionne, mais c’est incroyable de le vivre et de voir effectivement les progrès réalisés »
Cette aventure humaine a autant touché le public du film qu’elle n’a impacté les patients qu’on voit s’épanouir au fil des jours, et changé les soignants dans leur façon de travailler encore aujourd’hui.
Que retenir ?
Tout le monde a sa place et si le cinéma raconte de belles histoires, il est également là pour faire réfléchir…
Le projet « Les esprits libres » prouve qu’ouvrir des lieux de vie, avec une gouvernance partagée sans cette notion de malades/soignants, correspond davantage aux besoins de notre société.
« Alors que la maladie d’Alzheimer concerne plus d’un million de personnes diagnostiquées et des millions d’aidants, Il est urgent de construire des lieux désirables qui nous permettent de se sentir pleinement vivant ensemble, malgré la dépendance et la maladie ! »
La réponse serait un lieu de vie et de partage tel que ce manoir en Bretagne...
Marie Passavant est la directrice des trois EHPAD du centre hospitalier de Roubaix depuis 8 ans. Les trois établissements représentent 384 personnes accueillies, un service USLD (Unité de Soins Longue Durée), une unité de vie Alzheimer et Maladies apparentées avec des troubles du comportement modérés, et une unité de vie Alzheimer et maladies apparentées avec des troubles du comportement sévères.
Quelles sont vos principales difficultés dans l’accueil des patients dans ces unités dédiées ?
L’unité Alzheimer avec des troubles du comportement sévères est labellisée et financée par l’ARS, pour son fonctionnement avec des effectifs supplémentaires.
En revanche l’unité de vie Alzheimer avec des troubles du comportement modérés, bien qu’elle dispose d’un aménagement adapté et clos, d’un personnel volontaire pour gérer ce type de patients, ne bénéficie pas de subvention ni d’effectif supplémentaire : ce dont nous aurions besoin pour une meilleure prise en charge des patients.
Nous recevons également dans ces unités des patients avec des troubles psychiatriques, ou des comportements d’addiction, qui ne correspondent normalement pas aux profils pour lesquels ces unités ont été créés. L’accompagnement proposé est le même et tout à fait adapté, mais nous sommes sur des patients plus jeunes et physiquement plus forts : cela peut parfois devenir un danger pour les équipes et les autres patients.
Parlez-nous de la prise en charge des patients Alzheimer dans vos unités…
Nous sommes très sensibles aux approches non médicamenteuses pour nos patients.
Nous avons mis en place des sessions de médiation animale, avec l’achat d’un chien et le détachement d’un de nos soignants sur 20% de son temps de travail pour effectuer les visites.
Nous avons également financé la formation d’une de nos soignantes à la sophrologie pour proposer des sessions aux patients de nos résidences.
Notre personnel dispose également de chariots d’activités et de snozolen pour stimuler les sens et capacités cognitives de nos patients.
Des freins à ces activités ?
Oui le temps !
Le temps humain pour réaliser les activités en plus des soins : nous devons faire des choix et priorisons le bien-être de nos résidents en prenant le temps nécessaire aux toilettes, aux repas, à l’accompagnement du quotidien. Le public des EHPAD change et les résidents entrants arrivent plus tard et plus dépendants.
Par exemple, nous avons longtemps été abonnés à une solution de réalité virtuelle mais cela prenait beaucoup de temps au personnel soignant : d’abord pour l’installation matérielle mais aussi pour la gestion de l’émotion.
Bénéficiez-vous d’aide pour vos activités ?
Nous avons des budgets alloués à l’année par l’ARS et le département pour le fonctionnement des établissements : nous présentons notre budget prévisionnel et la répartition comme le ferait une entreprise.
Il existe également de nombreux appels à projets proposés par l’ARS, la fondation des hôpitaux, la caisse nationale de retraite.
Nous avons des possibilités de crédits non reconductibles.
Mais là encore, le principal frein est le temps humain, car les dossiers sont assez longs à monter : lourdeur administrative pour des aides très ponctuelles.
Pour vous, quelle serait la solution ?
Il faudrait une évolution.
Nous sommes dans une priorité pour le maintien à domicile : ce qui est une très bonne chose mais cela veut dire aussi que le public arrivant en EHPAD est plus dépendant, avec des troubles plus importants.
Face à cela les grilles de calculs n’ont pas évolué.
Nous attendions beaucoup de la loi Grand Age qui n’est jamais arrivée.
Les priorités gouvernementales suivent en général les sensibilités du Grand Public et malheureusement le bien vieillir n’est pas une priorité.
On espère vraiment de nouvelles priorités du gouvernement et la prise en compte du Grand Age et du bien vieillir.
Quel est le principal apport du numérique pour vos établissements ?
Le numérique nous apporte énormément : d’abord dans le suivi des dossiers avec la centralisation des informations.
Nous avons un outil de partage sur l’ensemble du centre hospitalier : tous les services ont accès au dossier médical. Nous avons également un espace dédié au suivi médico-social pour un projet d’accompagnement personnalisé.
Nous avons des bornes interactives et des robots pour l’accueil.
Après il y a aussi beaucoup d’avenir, nous avons testé beaucoup d’outils dont les fonctionnalités nous intéressent vraiment mais qui nécessitent encore des perfectionnements et plus de précision avant une utilisation en EHPAD comme la géolocalisation ou la domotique en chambre.
« Perception des femmes sur leur santé » - Étude N°2400672 par le Collectif Femmes de Santé et l’Institut du sondage Consommer Science & Analytics.
Perception des femmes sur leur santé, l’aiguille du baromètre oscille entre héritages et préoccupations
Dans sa volonté de co-construction d’une santé durable, équitable et égalitaire le Collectif « Femmes de santé », a récemment présenté les résultats de son 2ème baromètre concernant « La perception des femmes sur leur santé ». Réalisée sur 1 008 femmes de plus de 18 ans, à travers un questionnaire auto-administré conçu par l’institut du sondage CSA (Consommer Science & Analytics), cette étude avait pour objectif de recueillir les perceptions autour de 3 thématiques de santé féminine : les priorités accordées à la santé, les états de santé, et la perception de la prise en charge. Rassurants ou surprenants les grands constats du baromètre sont les suivants :
La santé des femmes n’est pas en tête de leurs priorités
Plus de 61 % des femmes interrogées déclarent avoir un problème de santé. Parmi elles, une sur trois souffre d’une maladie chronique et une proportion équivalente souffre de plusieurs pathologies. Cependant, la santé des répondantes arrive en 3ème position des sujets prioritaires, après la famille et la santé de l’entourage. Ce constat d’héritage social, n’étonne plus, mais il inquiète. Puisqu’il pose la question du poids de cette perception, sur le niveau de prise en charge des pathologies connues, mais aussi sur les délais de soumission à un éventuel diagnostic avec tous les préjudices que cela suggère.
Le travail n’est pas la sphère la plus favorable à la santé féminine
Comme dans le Baromètre de 2023, le travail est perçu comme étant le sujet le moins prioritaire pour les femmes interrogées. Par ailleurs, le travail n’est pas perçu comme un contexte favorable pour prendre soin de sa santé puisque 55 % du panel trouvent que leur entreprise n’agit pas en matière de prévention de la santé au travail ; la grande majorité ne trouve pas en leur employeur une ressource pour s’informer sur leur santé, et les répondantes notent à 6,3/10 leur niveau de préoccupation quant aux conséquences que leur travail a sur leur santé physique et psychologique.
De plus, il apparait qu’en plus de ne pas favoriser une bonne santé, le travail vient complexifier la gestion d’autres versants du qutodien. Puisqu’on observe que la conciliation entre la maternité et le travail est perçue comme difficile pour 71 % des femmes questionnées. Ce qui participe probablement à maintenir le travail en bas de l’échelle des priorités des femmes.
Des ressources lacunaires
70 % du panel considèrent que leur état de santé a des conséquences sur leur vie en général en particulier sur l’activité physique, la santé mentale, et la vie quotidienne. Un quart du panel se dit insatisfait de la prise en charge de leur santé, et pour cause, 25 % des femmes sondées trouvent qu’elles n’ont pas accès aux ressources médicales suffisantes pour être en bonne santé, soit 5 points de plus qu’en 2023 !
De manière intéressante, on observe que les jeunes femmes actives de l’échantillon considèrent que les professionnels de santé, leurs proches, les associations de patients et leur employeur sont des acteurs bien placés pour les informer sur leur santé. Tandis que pour les femmes dans des intervalles d’âge supérieurs, les professionnels de santé sont très majoritairement perçus comme étant les mieux placés pour les informer. Cependant, ce résultat se heurte au manque de professionnels de santé et aux déserts médicaux, perçus par les femmes interrogées comme ayant un impact très important sur leur santé.
Dans le contexte de pénurie de couverture médicale territoriale que vit la France, les plus jeunes sont plus à même de diversifier leurs sources d’information. Peut-on attribuer cet enclin aux modes de consommations de l’information des plus jeunes, plus diversifiés plus personnalisés ? Ou à l’exigence ou encore au poids des habitudes des plus âgés ?
Se pose également la question du manque de visibilité et d’accessibilité de certains acteurs de santé, tels que les associations de patients ou les structures du service de santé public sans un rôle d’information et de prévention ?
Quoi qu’il en soit, il semble important que les différents acteurs de santé s’emparent de cette problématique.
Conclusion
Ce Baromètre révèle que la prise en charge de la santé féminine est conditionnée par la posture de gestionnaire que les femmes ont encore très souvent au sein de leurs proches et de leurs familles, reléguant la gestion de leur propre santé au second plan.
Le travail pouvant parfois complexifier la gestion de ces aspects prioritaires et être perçu comme un contexte peu favorable à une bonne santé est quant à lui à en dernière place des priorités.
Malgré les responsabilités multiples qui leur incombent, les femmes restent conscientes de leurs besoins en santé, mais aussi demandeuses de ressources au sein du système de santé et de la société de manière à disposer d’outils plus adaptés à la réalité de leur condition.
